Par delà les clichés, Laurent Grino: portrait d’un amoureux des sarabandes du silence.
Né en 1973 à Marseille, Laurent Grino ne s’est jamais fait impressionner par les chocs de tout ordre. Très tôt conscient du chaos organisé qui l’environne, il va chercher un moyen de le comprendre et de l’apprivoiser. C’est à l’âge de 22 ans qu’il trouve sa voie. Fasciné par le travail de Lee Friedlander, il succombe au charme de dame photographie dont les parures noires et blanches vont l’envoûter pour le restant de sa vie.
Sa formation s’est faite sur le tas. Au hasard des rencontres qui l’ont amené à photographier des compagnies de théâtre, des court metrages, le Tour de France et autres reportages pour Haribo, et le port autonome pour la ville de Marseille. Pas question de sombrer dans la photo tape à l’œil.
Ce qui attire Laurent Grino ce n’est pas le strass et les paillettes mais plutôt le côté vague du terrain. Et son silence. Dont les sons sont si surprenants qu’il décide de les capturer sous forme d’images. Des images qui montrent que le vide a bien plus de sens que le trop plein. Des images dont la musique, un blues du fond de l’humanité, est criante d’authenticité et de spontanéité.
Laurent Grino est bien un amoureux de cette communication non verbale qu’est la photo dans le cadre d’un objectif indéterminé mais sous un angle d’une précision diabolique: la mise en scène est incontournable quand on fait du cinéma. Superflue quand il s’agit de la photo. Par contre l’instant et la mise au point sont cruciaux : notre homme est un orfèvre en la matière.
Laurent Grino utilise ses plages libres. Tel un bédouin citadin, il parcourt la ville à la recherche des lieux désafectés par le nonsens mais habités par la poésie. Plus que tout autre il sait que seule l’errance va l’amener à bon port : là où passé, présent et futur s'entremêlent dans des rues, des impasses, des recoins ou des visages qui appellent au secours le photographe pour donner leur essence, avant, peut être,de disparaître.
La force de Laurent Grino est d’entendre le langage particuliers des lieux sordides, glauques, incertains et perdus qui regorgent de lumière. A la manière d’Egon Schiele, il saisit ces moments éphémères dans une quête d’éternité.
Dans son œil, l’emerveillement du monde qui l’entoure se reflète puis se retrouve sur la pellicule. Comme par enchantement. Et ce qui enchante Laurent Grino c’est la découverte et donc le voyage. Prochaine étape dans le viseur de ce gitan de la lentille: les Andes où il va mitrailler le Chili surtout de long et un peu en travers. Des photos qui ne manqueront pas d’humeur, d’humanisme et d’humour.
Frédéric Vincent